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- MSz, une science pratique du singulier
les préconceptions de MSz, l’amenant à constituer une marque de rupture dans sa carrière et sa vie, associant Rossana, sa compagne, à un travail (du) collectif. Cette modification est la cause et le contenu de cet ouvrage, puisque ce livre en propose les images et la narration qui en ont dérivées.
Pour en revenir à notre métaphore première, c’est un tour de potier et la suite d’opérations conduisant à la fabrication artisanale d’un pot de fleurs qui ont _ entre autres _ déterminé pour MSz une reconfiguration du regard, l’amenant à reconsidérer totalement sa pratique. La fabrication en question consistait à conduire à la main l’élévation d’une boule de terre crue tournant sur un tour : une transformation de la matière impliquant l’horizontalité et la verticalité, le mouvement régulier et la pression des doigts empreints, à leur tour, de terre. D’une peau à l’autre. Cette opération simple, habituelle, sans origine et des millions de fois répétée, cet invariant de la poterie humaine, MSz l’a regardée, laissant la chose se faire, depuis un point de vue qu’il a qualifié de « distant ». La création s’opérait non à l’intérieur mais devant soi, voire avant soi. Elle avait lieu à partir d’un certain nombre de données qui ne concernaient point la température de ses passions d’artiste ou « l’état égocentrique », comme dit MSz, « dans lequel met un dessin expressif qui signe le projet ». De ce retournement du regard, ainsi, date sa volonté d’apprendre à se détacher du geste romantique pour trouver « le goût de la germination anonyme innombrable »[4].
L’observation d’une procédure ancestrale et impersonnelle, celle du pot de fleurs par exemple, implique qu’on distingue immédiatement une construction qui pourrait s’appeler performative car elle légitime la réalisation de ce dont elle parle : devenus autonomes en étant également dénaturalisés, sans devenir pour autant complètement artificiels, les éléments végétaux sont isolés des rayons du soleil à l’intérieur du pot, et maintenus dans un certain état d’humidité. Avec sa brique à fleurs (1998), MSz ne fait qu’optimiser cette construction élémentaire géométrisée dans un simple cylindre cuit au feu, en trois dimensions et trois modèles. Comme il l’écrit dans ses notes, reproduites ici : « Un pot de fleurs standard s’y loge à mi-distance entre le fond et le couvercle. La brique à fleurs délimite un volume qui est maintenu dans une ambiance humide grâce au surplus d’eau d’arrosage qui se dépose sur le fond émaillé. Un micro-climat pour le bien-être de la plante. ».
Au tournant du XXIe siècle, la démarche de MSz se radicalise ainsi, non par l’adoption d’une forme, d’une manière, d’une gestuelle en deux dimensions pour signifier la troisième, mais dans le détachement d’une « coupure épistémologique », qui pousse le travail hors du monologue intérieur et soulève des questions : « Quoi ? Pour qui ? Comment ? » Les référents quittent le répertoire des styles pour rejoindre le ou plutôt les données, qui appartiennent à tout le monde et qu’il appelle « des lieux communs, des places publiques ». Citons encore ses mots : « Jusqu’alors, mes projets étaient basés sur l’idée que le design est affaire de dessin et le dessin, tout comme la graphie, une manifestation incontestable de la personnalité de celui qui en est l’auteur.
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