Martin Szekely
éditions JRP|Ringier
2010
MSz, une science pratique du singulier
Élisabeth Lebovici
On aura longtemps tourné autour du pot pour tenter d’exprimer d’un mot ordinaire et précis l’impression produite par chaque table, bureau, étagère, chaise, boîte de Martin Szekely. Trouver le terme juste pour les tables M.L. et P.B. (2002 et 2005), pour la console K.L. (2003), entités réfléchissantes du pied au plateau, si uniment qu’elles renvoient la disparité du monde qui les entoure, ou pour les bouts de canapé Bing One et Bing Two (2007), monolithes de cristal moulé ressemblant à des blocs d’énergie gelée, relève d’une gageure. Comment dire simplement, en effet, cette sensation d’« un », d’unité, de résolution associée à la discrétion et à l’évanescence de l’objet en question ? Comment décrire le sentiment de plénitude sans virer au mystique ?
Martin Szekely, sans doute, n’éprouve pas ce genre de problèmes de nomination et parle peut-être plus volontiers d’unité à propos de ses travaux. Mais il est l’artiste, le producteur, le penseur… —encore un autre problème d’étiquettes inadéquates.Comment, en d’autres termes, exprimer cette monumentalité compacte mais aussi cette radicalité élémentaire qui saisit lorsqu’on regarde des étagères (2004-2005) qui sert d’incipit à cet ouvrage, les boîtes S.A.M. (2005) ou le bureau F.P. (2002), qu’ils soient photographiés en studio dans un contexte abstrait, ou in situ dans l’environnement au sein duquel ils font leur office. À propos de l’Armoire (1999) faite d’une seule feuille d’alucobon découpée et pliée comme un origami sans vis ni écrous, Martin Szekely a évoqué la notion d’« objet incompressible parce qu’il est sans doute le pendant du corps ». Même le marche-pied N.G. (2002) en contreplaqué résiné devient ainsi, dans son environnement, un objet de première nécessité : il réunit trois boîtes, qui sont également des marches irrémédiablement solidaires, dans une bibliothèque, à laquelle l’escabeau donne accès dans sa hauteur, tout en permettant de tirer un ouvrage, de s’y asseoir et d’y lire. D’y méditer. L’Américain Donald Judd, qui fut aussi un grand critique avant d’être un artiste, utilise le terme de « singleness » [1], mot intraduisible sauf, peut-être, par une formule de Michel de Certeau, lorsque celui-ci parle de « science pratique du singulier ». Et, faute de mieux, c’est à une singulière absence de dualité qu’on réfèrera aussi pour qualifier ces meubles, qui apparaissent tout d’un bloc, souvent comme une énigme et toujours comme un nom : chaise, table, bureau, armoire, boîte, bout de canapé, fauteuil, pouf, miroir. Ce nom commun est, la plupart du temps, leur nécessaire condition. Ils ne se prêtent pas à la fragmentation en une composition qui les déconcentrerait même si, parfois, différentes matières se rencontrent à l’occasion de la table N.G. (2006), du bureau F.P. ou des Stonewood One,Two et Three (2005), dont les pieds d’acier vissent le plateau de pierre, renversant le champ des probabilités. D’ailleurs, ce sont des meubles qui ne se laissent pas, non plus, démonter et ceci au sens propre comme au figuré. Bien sûr, on peut penser à la table 00 (2000), dont les coins démontrent que le plateau et les bancs pour s’asseoir sont solidaires, tout comme les parties du corps pouvant s’inscrire dans leurs vides et s’y installer. Mais dans une acception plus ludique ou plus guerrière, on pensera aussi aux tables Slim et S.L. (1999 et 2003) en nid d’abeilles d’aluminium recouvertes, respectivement, d’ébène et de Corian®, qui laissent voir jusqu’à leur tranche, ou aux meubles _ table basse, table ronde, bureau, table _ Concrete (2008) en béton fibré Ductal®, si minces qu’ils constituent à peine l’épaisseur d’une peau. Ou les bouts de canapé Fake (2007), bûches de bois qui « n’en sont pas », parallélépipèdes dont les surfaces opaques aux arêtes métalliques ouvrent une batterie de questions sur le juste voir et le voir faux. Ces meubles cachent, en effet, leur jeu, qui requiert une technicité tendue à l’extrême pour un rendu visuel au plus simple.
Pour tenter de pointer vers ces qualités au lieu de tourner autour du pot, il faudrait, dans un retournement dont les philosophes et les artistes ont le secret, ôter « l’autour » de la formule et la transformer de façon transitive, afin de penser « tourner le pot ». Cela implique de renverser la proposition de ce que nous voyons à ce qui nous regarde [2] et de partir, non de l’effet que tel ou tel objet peut avoir sur soi, mais de la sensation qui donne lieu à la fabrication.
Voilà ce qui est arrivé à Martin Szekely _ MSz pour le présent texte _ vers la fin des années 1990 : un retournement du regard.Le contexte était sans doute propice à ce type d’action consistant en une inversion des pôles. L’explosion des minorités, notamment sexuelles, sur le « petit théâtre théorique »[3] de notre réalité a de même opéré, dans les discours de celles-ci, un renversement de la thèse de la répression, afin de préparer le grand écart vers l’étude des mécanismes du pouvoir et des rapports de force à l’oeuvre dans les normes de sexe, comme l’avait indiqué Michel Foucault. Retourner l’injure, par exemple, sera désormais, selon la théorie queer, renverser l’efficace des « discours de haine » par une répétition qui en déjoue et en déplace le pouvoir. Déplacer o renvoyer le regard est aussi une expression ou une métaphore fondamentale dans les développements du « post-colonial », signifiant l’appropriation des technologies, discours et formes culturelles qui s’exerçaient dans l’institution du pouvoir sur les identités subalternes. Reconnaître et renverser. Ainsi, cette figure impliquant le regard et qui en change le point de vue désigne-t-elle à la fois un échange et un changement mutuel intervenant entre objet et sujet, affectant dans la même proportion, le jeu impliqué dans la création plastique, où, dit MSz, il s’agira pour lui désormais de « rejoindre l’intitulé de la pièce », c’est à dire aussi sa culture.
Sans qu’il faille ici chercher un déterminisme entre les mouvements sociaux et l’identité du travail de l’artiste, ce bref rappel peut néanmoins aider à comprendre ce qui s’est passé dans l’attitude et les préconceptions de MSz, l’amenant à constituer une marque de rupture dans sa carrière et sa vie, associant Rossana, sa compagne, à un travail (du) collectif. Cette modification est la cause et le contenu de cet ouvrage, puisque ce livre en propose les images et la narration qui en ont dérivées.
Pour en revenir à notre métaphore première, c’est un tour de potier et la suite d’opérations conduisant à la fabrication artisanale d’un pot de fleurs qui ont _ entre autres _ déterminé pour MSz une reconfiguration du regard, l’amenant à reconsidérer totalement sa pratique. La fabrication en question consistait à conduire à la main l’élévation d’une boule de terre crue tournant sur un tour : une transformation de la matière impliquant l’horizontalité et la verticalité, le mouvement régulier et la pression des doigts empreints, à leur tour, de terre. D’une peau à l’autre. Cette opération simple, habituelle, sans origine et des millions de fois répétée, cet invariant de la poterie humaine, MSz l’a regardée, laissant la chose se faire, depuis un point de vue qu’il a qualifié de « distant ». La création s’opérait non à l’intérieur mais devant soi, voire avant soi. Elle avait lieu à partir d’un certain nombre de données qui ne concernaient point la température de ses passions d’artiste ou « l’état égocentrique », comme dit MSz, « dans lequel met un dessin expressif qui signe le projet ». De ce retournement du regard, ainsi, date sa volonté d’apprendre à se détacher du geste romantique pour trouver « le goût de la germination anonyme innombrable »[4].
L’observation d’une procédure ancestrale et impersonnelle, celle du pot de fleurs par exemple, implique qu’on distingue immédiatement une construction qui pourrait s’appeler performative car elle légitime la réalisation de ce dont elle parle : devenus autonomes en étant également dénaturalisés, sans devenir pour autant complètement artificiels, les éléments végétaux sont isolés des rayons du soleil à l’intérieur du pot, et maintenus dans un certain état d’humidité. Avec sa brique à fleurs (1998), MSz ne fait qu’optimiser cette construction élémentaire géométrisée dans un simple cylindre cuit au feu, en trois dimensions et trois modèles. Comme il l’écrit dans ses notes, reproduites ici : « Un pot de fleurs standard s’y loge à mi-distance entre le fond et le couvercle. La brique à fleurs délimite un volume qui est maintenu dans une ambiance humide grâce au surplus d’eau d’arrosage qui se dépose sur le fond émaillé. Un micro-climat pour le bien-être de la plante. ».
Au tournant du XXIe siècle, la démarche de MSz se radicalise ainsi, non par l’adoption d’une forme, d’une manière, d’une gestuelle en deux dimensions pour signifier la troisième, mais dans le détachement d’une « coupure épistémologique », qui pousse le travail hors du monologue intérieur et soulève des questions : « Quoi ? Pour qui ? Comment ? » Les référents quittent le répertoire des styles pour rejoindre le ou plutôt les données, qui appartiennent à tout le monde et qu’il appelle « des lieux communs, des places publiques ». Citons encore ses mots : « Jusqu’alors, mes projets étaient basés sur l’idée que le design est affaire de dessin et le dessin, tout comme la graphie, une manifestation incontestable de la personnalité de celui qui en est l’auteur. Pour brique à fleurs, les usages, la fonction, le matériau et son mode de transformation se sont imposés en tant qu’éléments tangibles et, surtout, extérieurs à ma personne : des ‹ pierres dures › posées devant moi.
De même, plusieurs fois dans ces notes, MSz utilise l’expression de « déplacement du regard » dans la solution retardée qu’il apporte en 1999 à l’invitation du Centre International de Recherches sur le Verre et les Arts Plastiques (CIRVA) lancée dix ans plus tôt. « Une nouvelle période s’annonce plus ouverte sur les expériences et si possible les micro-inventions réalisées à partir de ces très légers déplacements du regard que l’on pose sur ce que l’on connaît déjà », écrit-il à la directrice Françoise Guichon. Prolongeant et renversant un procédé imaginé par Gaetano Pesce, il propose de façonner un plat par pulvérisation de verre en fusion à l’intérieur d’une forme définie en creux, selon des modalités impossibles dans la tradition verrière. MSz produit des formes de plat obtenues par hasard dirigé, jouant sur la plasticité du matériau : une bande de métal, utilisée pour déterminer des bords, rugueux à l’extérieur et lisses à l’intérieur. Paradoxe de la maîtrise : « Il s’agit, dit-il, de délimiter un périmètre qui n’est pas dessiné. On peut, à partir de cette limite, imaginer des milliers de pièces, je ne suis pas à l’origine de cette idée qui est celle de l’élastique, ou encore celle des Stoppages étalon de Duchamp… ».
L’allusion à Marcel Duchamp, réitérée dans l’image photographique du plat, fait place effectivement à une autre de ces procédures qui laissent agir des données extérieures à toute réflexion contrôlée, à tout travail d’une main virtuose ou d’un souffle souverain, comme il est si souvent question lorsqu’on parle du verre et du maître-verrier. Que sont les trois Stoppages étalon (1913-1914), en effet, sinon un « laisser faire », du hasard dans la chute d’un fil d’un mètre de longueur depuis un mètre de hauteur, réitéré à trois reprises ? Une fois ces nouvelles lignes reportées par découpe sur trois mètres ordinaires en bois, elles furent rangées ensemble dans une boîte de jeu de croquet. Marcel Duchamp l’expliqua ainsi : « Mes trois Stoppages étalon sont donnés par trois expériences, et la forme est un peu différente pour chacune. Je garde la ligne et j’ai un mètre déformé. C’est un mètre en conserve, si vous voulez, c’est du hasard en conserve. »[5]. Le coup de dés, le mouvement (ici, la chute) et les lois de la gravité sont les nouvelles coordonnées qui « battent » la mesure.
« N’importe, bien ou mal, c’est une délicieuse chose que d’écrire ! Que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. »[6], indique Flaubert. Pour le devenir d’un « designer », comme pouvait jusqu’alors l’être MSz, quelle plus ample ambition _ littéralement démesurée _ que de laisser faire le hasard, quel plus profond vertige que de ne pas dessiner l’objet avant de le faire. L’exigence d’impersonnalité, telle qu’elle se trouve effectuée dans le métier de Flaubert par exemple (« il ne faut pas s’écrire ») implique ici de se mesurer à l’aune de l’expérience commune, où l’objet s’envisage par le biais de ses destinations : cuisson, service ou conservation, mais aussi une foule d’utilisations plus étonnantes, toujours à venir. Voir, à ce titre, la photographie de MSz, debout sur une table ou une bibliothèque, dans une performance incongrue : cette démonstration ne sert pas seulement à mettre à l’épreuve la résistance de la pièce et à la prouver sur pièces, c’est-à-dire à la documenter. Bien sûr, il s’agit de faire l’expérience de la plasticité et de la viabilité du travail, d’affronter la solidité d’une machine _ la table, le bureau, la console, l’étagère _ destinée à rester sur ses pieds, de la mesurer à l’être humain et à sa force. Certes. Mais il s’agit aussi de résistance. Résistance à l’imposition d’un corps humain et d’une force, résistance aux usages qu’on lui prescrit. Devenir usager, c’est également détourner les usages. Il s’agit donc tout aussi pleinement d’investir des usages jusqu’à alors inconnus.
Sur une table, on mange, on travaille, on lit un livre, on écrit sur un cahier ou un clavier, on regarde un ordinateur, on range des documents, on dispose des cartes, on “chatte” avec une personne lointaine, on discute… On saute, on danse, on fait l’amour, on s’expose… D’autres usages du corps sont encore négociables à discrétion. L’artiste Rémy Zaugg, à propos du mobilier qu’il concocta pour exposer Herzog & de Meuron (Herzog & de Meuron: une exposition, Centre Pompidou, Paris, 1995), en formulait ainsi le voeu : « Des tables en attente. Des tables prêtes à recevoir, à accueillir, à montrer la poursuite de la recherche. Des tables tournées non pas vers ce qui a été fait, mais vers ce qui sera fait. Des tables appelant le devenir et l’à venir. Des tables prospectives. Annonciatrices. Des tables dont le vide appelle, en l’annonçant, la poursuite de la recherche. Des tables non pas nostalgiques mais grosses d’espoir. C’eût été merveilleux »[7]. C’est merveilleux.
Ne plus dessiner relève d’une méthode qualifiée de « soustractive », si l’on entend l’absence de dessin comme un renoncement. Mais ne plus dessiner, c’est aussi, d’un trait ou plutôt d’une absence de trait, barrer une dualité et une tradition dans la division du travail, qui ressort d’un système dont l’invention remonte au moins à la Renaissance et à une économie dont le succès finira par « faire système » en s’étendant peu à peu, sous la forme du capitalisme.
Selon l’historienne d’art Jacqueline Lichtenstein[8], « disegno » fut l’un des concepts théoriques majeurs de l’art à la Renaissance. Il signifie à la fois dessin et projet, ce qui se rapporte au tracé et à l’intention. Il marque dans l’activité manuelle ce que le nom d’artiste contient d’intellect, de « cosa mentale », élevant ou relevant la condition de celui qui en fait usage. L’artiste quitte la condition de l’ouvrier et des arts mécaniques pour se hisser du côté du « libéral », des gens qui pensent et qui décident en dessinant. « Disegno » ramasse alors en un seul mot, ce qui en Français depuis le XVIIe siècle, divise dessein et dessin, ce qui se nomme en anglais drawing et design[9]. Pourtant, le double sens a réapparu dans l’utilisation moderne du design, toutes les langues caractérisant par ce terme un art industriel issu de la tradition du Bauhaus et, par extension, le récit d’un objet de consommation courante, parcouru depuis sa conception jusqu’à sa fabrication. Design et dessin sont ainsi irrémédiablement liés dans la conscience occidentale de l’art, rapportant le dessin à un tout autre champ de signification que celui auquel ses caractères physiques le rattachent. Du dessein à l’idéal, en effet, il n’y a qu’un pas _ un pas paradoxal, qui réunit un acte pur de la pensée et son résultat visible auquel participe aussi le travail de la main. Ainsi s’articula, dans la France académique de Louis XIV, le retournement, qui organisait une défense contrôlée du dessin, et non plus du dessein, comme technique majeure de l’imitation, commune à la peinture et à la sculpture et fonction d’une habileté manuelle reposant sur un savoir d’ordre technique, où la théorie est entièrement finalisée par la pratique.
Le dessin comme « patron » de l’art, y compris des arts appliqués _ ceux qui, dans la hiérarchie, ressortent de la pratique _ cite, ainsi, toute une histoire qui converge en son nom. N’est-ce pas le sens de cette note pertinente de Matisse, en 1945, lorsque, faisant le bilan de ses recherches en matière d’abandon du dessin comme contour pour laisser place à l’action directe de la couleur, il écrit : « Dire que la couleur est redevenue expressive, c’est faire son histoire »[10]. C’est, pour lui, apprécier un même retournement et constater que l’histoire de la couleur dans l’art occidental est celle de son refoulement. Telle est la lecture derridienne de Jean-Jacques Rousseau. La couleur soumise au dessin renferme une valeur de suspicion, qui relève de l’interdit jeté sur le corps et est historiquement liée à la féminité[11]. « Tout ton coloris n’est rien d’autre, vénitien / Qu’emplâtre à colmater une sale putain »[12], énonça William Blake en 1808. « Renoncer » au dessin comme patron, c’est adopter un discours déviant. La couleur pour Matisse est un principe de plaisir qui trouble la représentation. Il n’est pas anodin que MSz formule, dans le pot de fleurs ou dans le plat à nourriture, deux motifs de jouissance sensorielle, ce qui lui servira ultérieurement de méthode. Voilà pour « l’austérité » supposée des meubles de MSz, qui ont plus à faire avec des questions de règle et de transgression qu’avec une mythologie du dépouillement.
Revenons à notre « singleness », à l’unité éprouvée et indicible, faite, non d’une accumulation de signes relevant d’une signature d’artiste, mais d’une donnée collective, d’une prise en considération des usages sociaux, des comportements communs. Les étants-donnés de son art, MSz les trouve donc dans la notion d’usage comme il cherche ses potentialités dans cette activité de laboratoire qui consiste à tester des textures toujours plus résistantes, c’est-à-dire moins encombrantes pour le regard.
L’usage est ce qui permet de sortir de la belle forme, du beau dessin, de l’art surligné comme tel. Ainsi le fauteuil Domo (2004), structure composée de bois, de métal et d’un assemblage complexe de mousses recouvertes de cuir : son dossier droit et son assise en cube permettent néanmoins, grâce à la fente qui les sépare et aux densités différentes des mousses, une variété de positions confortables. « Une chaise ou un building non fonctionnels, et qui se proposeraient seulement comme des oeuvres d’art seraient ridicules. L’art de dessiner une chaise n’a rien à voir avec la conception d’une oeuvre d’art, il consiste en partie à créer un objet qui, comme chaise, soit fondé dans la raison, qui soit utilitaire et dont les dimensions soient bonnes. Une chaise doit tenir compte de la proportion qui est la raison rendue visible… Une oeuvre d’art existe en soi ; une chaise existe en tant que chaise. L’idée d’une chaise n’a rien à voir avec l’objet lui-même »[13]. MSz aime à citer ces propos de Donald Judd, lequel a régulièrement souligné la distinction, fondamentale à ses yeux, entre l’art et les arts appliqués. Même si Judd a contribué au brouillage de son engagement esthétique, c’est précisément dans ce distinguo qu’ont résidé les enjeux de sa production utilitaire, comme sa chaise de contreplaqué du milieu des années 1980, provoquant « un sentiment envahissant de déjà vu, qui est tout à fait légitime si l’on considère à quel point le matériau qui les constitue _ le contreplaqué _ possède une longue histoire dans le design de meubles depuis Charles Eames. »[14]
Ce ne sont pas tant les « déjà vus » qui intéressent MSz, que les « déjà là », constitués par les usages et par l’usage, deux termes qui ne se recoupent pas exactement. Partager un repas ou se concentrer dans la lecture, exécuter une tâche ou réfléchir, classer ou défaire, toutes ces situations composent une chorégraphie d’histoires et dessinent un manuel de civilité silencieux (ou de civilité silencieuse si on se réfère à nombre de situations méditatives). En ce sens, chaque geste accompli est une citation. Dans la notion d’usage, il y a usé, bien sûr : il y a la préhension, le toucher, l’expérience du corps individuel mais il y a aussi le corps social. Car pour prendre un objet, il faut d’abord l’avoir reconnu et le geste fait indique cette reconnaissance, dont l’objet recueille la citation. Judith Butler a bien montré comment le corps n’est pas un antécédent au discours. « Le corps posé comme antérieur au signe est toujours posé ou défini comme antérieur » : nous ne pouvons pas avoir accès au corps sauf à recourir au discours, ce qui ne veut pas dire que le corps doive être réduit au discours, comme s’il fallait opposer l’un à l’autre et rester « aveugle à la vérité toute simple, que tous les signes sont eux-mêmes matériels. »[15]
MSz : « L’usage que nous faisons de la table en Occident se résume ailleurs à un matériau qui isole du sol : un tapis, une natte, une nappe, une planche. La table protège du sol. C’est un objet qui est dans une situation intermédiaire entre la terre, les hommes et l’architecture. Structurellement, la table comporte des similitudes avec la structure de l’ingénieur calculée à l’échelle de l’architecture. Une table qui n’est pas stable tout comme un bâtiment n’est pas viable. » Dans cette économie, où le travail de l’artiste fonctionne par citation, cela veut dire aussi que la réalité des objets dans le monde n’est pas une donnée naturelle, mais fonction de normes, qui sont autant de règles à reconnaître, à situer, et sans doute à rejouer. Trois pieds pour le bureau Concrete : et ça tient. De même, certaines tables poussent jusqu’aux limites de la stabilité la sacro-sainte répartition de leur piétement, qui généralement incommode et discrimine certains convives : l’option a consisté ici à le ramasser vers le centre de la table, à calculer son implantation sur la crête de l’assiette et du confort. La bibliothèque C.O. (2003) s’envole et plane, esquissant un espace du livre au niveau de la tête, comme un nuage, entre ciel et terre. Les fixations dont ce livre vous révèle quelques-uns des secrets, sont ici l’objet de la performance des matériaux et la stabilité pourrait être un peu l’équivalent du contenu de cette performance, qui s’opère à chaque nouveau meuble, à chaque nouvelle recherche, à chaque nouveau pari que MSz s’impose.
L’inventaire des monuments et des richesses artistiques de la France, décidé par André Malraux et André Chastel en 1964, portant d’abord les efforts sur l’élaboration de principes d’analyse et de systèmes descriptifs normalisés, avait mis au point un vocabulaire indexé à la fonction des objets pour les aliments, les fleurs, la pharmacie, la toilette… MSz évoque un usage plus élémentaire : « isoler du sol la nourriture », dit-il à propos des plats (2000), dont il fait résonner le nom. Prolongements du corps, les meubles sont pour lui « des supports, des socles, ils ne s’exposent pas ». Lorsqu’il s’agit de ranger des livres, le corps en impose même aux caractéristiques du matériau et constitue sa limite. Par exemple, si la longueur d’une étagère au sein des étagères (2005) n’excède pas une longueur de soixante-dix centimètres alors qu’elle pourrait s’étendre, c’est parce qu’au-delà, il est difficile de retirer ou de replacer un livre, à cause du poids des autres ouvrages. L’usage est ce qui fait que le projet tient debout. Mais paradoxalement, l’usage est aussi ce qui pousse l’objet vers l’esquive, la discrétion et le promet au regard qui « glisse ». Faire, par exemple, des étagères à partir d’aluminium utilisé dans l’industrie aéronautique, « en minimisant le besoin de structures jusqu’à la limite de l’usage » : couvertes de livres, elles font mine de disparaître. Ou au contraire la collection « six constructions » (2002), conservant seulement « une pointe de familier (une table, une chaise, un bureau, une étagère) », qui n’étant pas totalement codifiées dans leur rôle et ne répondant pas complètement aux prescriptions, laissent la question ouverte de leur utilisation.
Matériau limite, usage limite. Dans la chair de chaque meuble _ ou sa peau _, il y a tentative de synthèse et non de distinction du corps et de la pensée. L’unité de chaque pièce, dans sa concrétion incompressible chez l’usager ou l’utilisateur, consiste, non seulement à faire disparaître la composition mais aussi à se jouer des dichotomies usuelles de la civilisation judéo-chrétienne de base : entre corps et âme, dessin et couleur, figure et fond, décor et support, forme et contenu, beau et utile, précieux et pauvre. Des binarités « culturelles » qui, en réalité, indiquent des relations de pouvoir et de sujétion. Car le paradoxe contenu dans l’usage est d’articuler à la fois l’aide et la contrainte. Il s’agit de mettre au jour la « petite » ou grande liberté qu’on prend avec le code, avec la règle. Comme le dit le philosophe Matthieu Potte-Bonneville lorsqu’il discute des usages chez Michel Foucault : « …leur usage, c’est d’interrompre l’évidence des usages, et leur efficacité réside tout entière dans ce qu’elles rendent difficile. Non pas : “tout est permis”, mais : “faire en sorte, avec bien d’autres, que certaines phrases ne puissent plus être dites aussi facilement ou que certains gestes ne soient plus faits au moins sans quelque hésitation” ; ”rendre difficiles les gestes trop faciles”. Une politique des usages peut bien convoquer, dans son discours, le lexique des forces : elle ne cesse pourtant d’être anti-autoritaire. Non par surcroît de vertu : parce qu’elle neutralise les effets d’autorité non seulement chez ses adversaires, mais tout autant du côté de son énonciateur. »[16]
C’est sans doute non sans rapport avec ces questions d’autorité, que MSz n’a que peu d’affinités avec le mot et la catégorie du fonctionnalisme. Il ne s’agit pas, comme il le dit, de « rabattre la forme (l’esthétique) sur la fonction », de mettre l’aujourd’hui au service d’une affectation univoque qui servirait d’alibi, mais au contraire, de libérer la fonction à partir de ce qui est déjà dit, de ce qui a déjà été fait.
Prenons le cas de la boîte, qui a le grand avantage, pour la démonstration, de se situer à la jonction de l’art et de l’objet et de rencontrer plusieurs civilisations, comme le rappellent les Chinese boxes (2004). Il y a les boîtes de Judd et les boîtes de Szekely _ et par extension, MSz fait de « la boîte » la métaphore princeps de son oeuvre[17]. Toutes deux sont possibles, plausibles. Mais dans l’art minimal de Judd ou de Robert Morris _ situé historiquement et géographiquement dans le New York des années 1960 et contre l’expressionnisme abstrait _, éliminer toute illusion pour imposer des objets qui ne doivent être vus que pour ce qu’ils sont, cela devrait produire simplement des objets tautologiques. Et si Judd rêve d’une « chose prise comme un tout »[18], douée d’une qualité elle-même prise comme un tout, et dotée d’une « Gestalt » reconnaissable, dans la réalité qui se produit, cependant, cette totalité insécable se brise ou s’enfuit. Dès qu’il y a cube _ y compris dans une œuvre dotée du minimum de contenu d’art _, le plein et le vide s’invitent ; et bientôt les significations du volume se mesurent au plein et au vide du corps, c’est-à-dire au fantôme et à la perte d’un corps. Telle est la boîte de Pandore qu’ouvre le minimalisme. C’est ce que montre Georges Didi-Huberman dans son analyse de la « boîte noire », fantôme de l’être mort. La stabilité des objets, qui constitue tout l’enjeu minimaliste _ stabilité dans l’espace mais aussi stabilité dans le temps, où les objets ne « sont qu’â être stables », comme l’écrit Didi-Huberman _ devient ici un enjeu concret et ludique. Et très vite, le new-yorkais Joseph Kosuth vend la mèche, exposant cinq boîtes cubiques transparentes en verre sous le titre Box-Cube-Empty-Clear-Glass. Cinq dénominations, cinq contenus pour un même objet répété à cinq reprises. Le tour est joué : ceci n’est pas une Pipe. Les jeux de significations existent quand même, là où les Minimalistes n’en veulent pas. Même si la sculpture n’est rien d’autre que ce qu’on voit, la force de l’objet reste formulée en propos intersubjectifs. Même un cube, qu’on a voulu sans histoire et qu’on croit percevoir dans sa seule présence, déplie des significations y compris à qui n’en veut pas : un cube, c’est un objet à histoires et à secrets, presque magique, propice aux images. Toujours tombé ou toujours érigé, il est quand même une figure de la construction et de métamorphose, qu’il soit en liège ou en métal. Celui-ci apporte un tour supplémentaire au régime minimaliste de la visibilité. La chose « qui va de soi » du minimalisme américain est ici tournée du côté de la construction la plus prométhéenne, du pari vers l’impossible. « Ne plus fabriquer selon les “règles de l’art” et ainsi générer le trouble », écrit MSz.
Lorsque le cube devient une boîte, les volumes visibles ne valent peut-être alors que pour les voeux qu’elles font soupçonner : coffrets à « dedans » obscurs, qui rendent leur dehors énigmatiques. Une esthétique « spectrale » s’engage alors, à l’instar de la pratique « pointilliste » de Georges Seurat[19], de cette « touche-point » qui fut pour lui l’unité de mesure, tangible et omniprésente de sa peinture. Chez Seurat, non seulement le point renvoie à la peinture dont il est l’échantillon mais de surcroît, il réfère à la technologie « de pointe » de l’époque : la photographie, dont le système de Seurat reproduit à la main le grain, la trame, d’une façon jamais impersonnelle, même si elle tend à l’impersonnel. Ce bref excursus vers Seurat pourrait s’appliquer, en se « contemporanéisant », à l’expérience de laboratoire de MSz investissant les principes d’une technique hétérogène à la sienne, ce qui s’opère ici de façon relancée. Sauf que cette hétérogénéité s’inscrit désormais non seulement dans le flux mais aussi dans le corps de l’expérimentation même, puisque aujourd’hui règne le matériau composite. Le sandwich de « matières désinhibées », comme dit MSz, en métal et plastique, en bois et papier voire en verre et papier, relève en effet des agglomérations d’avenir.
Il y a également une autre classe de spécifications qui entrent dans les données du problème. Car les lieux communs de MSz portent aussi des figures singulières, celles à qui les objets sont dédiés. Les initiales qui pointent dans ses titres attribuent ou peut-être mieux, affectent chacune des constructions, qui, commanditées, trouvent ainsi sa « main », son usage. Cette main a un prix. MSz est très clair sur la réalité de ces choses, vérifiant que chacune et chacun des acteurs dans la production, requis pour une expérimentation qui doit, nécessairement, jouer avec les limites, soient correctement rétribués et ne participent pas de l’exploitation humaine opérée quotidiennement sous prétexte de serrer les prix à la vente. Les pièces de laboratoire qu’il produit avec kreo se retrouveront ainsi forcément chez les riches de ce monde ; mais s’il est sûr qu’elles participent, ainsi, d’un train de vie de la grande-bourgeoisie éclairée, il n’est pas évident que ces productions obéissent à la litanie des signes ostentatoires de richesse, qui sont d’ailleurs parfois ceux du dépouillement et de la pauvreté : le bureau Fine Art (2004) en onyx et verre nargue ainsi ces codages. Longtemps, la classe possédante a joué de la dichotomie entre un art contemporain sur les murs et des meubles anciens _ je me souviens de la galeriste Mary Boone affichant sa collection de mobilier de Jacob, au milieu des David Salle et Brice Marden, artistes qu’elle représentait alors. Afficher son talent de « connoisseur », c’était associer l’art d’avant-garde à une commode de Riesener, puis ce fut au mobilier des années 1930, Jean-Michel Frank ou Eileen Gray – morte dans le plus grand dénuement alors que ses chaises figuraient déjà le summum de l’épure chic, narguant le kitsch de la « bibelotisation » généralisée héritée du XIXe siècle. Aujourd’hui, comme en témoignent les photographies prises sur place, les pièces de MSz jouent avec cette propriété particulière qu’il accorde à l’usage, et qui les fait tendre à disparaître lorsqu’elles servent, ou qui rendent visible ce qui ne devrait pas se voir : comme le bureau D.L. (1998) en Corian® ajouré à l’extrême, laissant passer dans ce treillis réticulé tous les fils rendus nécessaires par la connectivité bureautique, acceptant ainsi, en d’autres termes, tout ce qui est censé déparer. Olivier Zahm a bien noté à propos de l’Armoire : « le mélange de l’extrême fragilité de la forme pliée et des valeurs sûres/dures des milieux d’affaires »[20]. Et la signification sociale des Fake, meubles qui ne travaillent pas dans les règles de l’art et jouent avec le regard, ce qu’il croit et ce qu’il voit, semble aller au contraire de tout « m’as tu vu », et travailler vers le trouble. Comme des étagères qui disparaissent : tout ça, pour ne point voir ! Tout ça pour une « simple boîte » de liège, cependant parfaitement articulée en son sein et immanquablement douce au toucher ! De sorte que ce mélange de radicalité et d’impersonnalité affecte toutes celles et ceux qui s’y incarnent.
Cette attitude, ce mode de vie, Barthes l’appelle : le Neutre. Il faut se départir ici, de la connotation grisâtre du mot, ou redonner à cette couleur son lustre, son état intense. Loin d’absenter le corps, le neutre selon Barthes conduirait, au contraire, l’affect hors d’une logique oppositionnelle. Le neutre serait le terme permettant d’aider à lever le « binarisme implacable » des systèmes d’oppositions, sur lesquels repose habituellement la construction du sens : féminin/masculin, oui/non… L’intensité du neutre correspond à la violence de cette suspension.
C’est ce qu’on aura tenté de faire en concentrant le nom de Szekely en une série d’initiales, qui sont d’ailleurs celles qu’il utilise familièrement : MSz. Non pour constituer une signature, mais plus peut-être pour revêtir ce nom de la même discrétion que de celle dont il entoure ses titres. Sans doute, c’est un lieu commun, n’est-il pas si facile de se faire un prénom lorsqu’on l’a reçu d’un père et d’une mère artistes de renom, et qui ont d’ailleurs parfois signé quelques pièces de mobilier ensemble. Mais ici, ce qui retient l’attention, c’est plutôt ce qu’il advient d’un nom propre qui ne s’initialise jamais « naturellement » à un seul S mais ajoute, généralement, le z de la prononciation du nom. Ce Sz de la signature renvoie tout aussi «culturellement » au S/Z de Roland Barthes. Car il n’y a pas de z non plus dans Sarrasine, la nouvelle de Balzac, qui sert à Barthes de texte choisi pour son étude de cas. « Le titre ouvre une question : Sarrasine, qu’est-ce que c’est que ça ? Un nom commun ? Un nom propre ? Une chose ? Un homme ? Une femme ? À cette question, il ne sera répondu que beaucoup plus tard, par la biographie du sculpteur qui a nom Sarrasine, là où conformément aux habitudes de l’onomastique français, on attendrait SarraZine ». Phonétiquement, Z est « cinglant à la façon d’un fouet châtieur, d’un insecte errinyque : graphiquement, jeté par la main, en écharpe, à travers la blancheur égale de la page, parmi les rondeurs de l’alphabet, comme un tranchant oblique et illégal, il coupe, il barre, il zébre ; d’un point de vue balzacien, ce Z (qui est dans le nom de Balzac) est la lettre de la déviance »[21], écrit Barthes. De plus S et Z sont dans un rapport d’inversion graphique offrant à une même lettre, l’un et l’autre côté du miroir. Cela ne saurait échapper à Martin Szekely qui fit d’abord ses classes dans la typographie, dans l’étude de la lettre, sa sonorité, son sens et sa fonction dans l’espace.
Mais là encore, l’évocation d’un passé individuel par le biais d’un souvenir d’école n’est point convoquée à des fins d’élaboration d’un « je » d’artiste. Elle compte moins fabriquer un portrait psychologique que servir de donnée, de « data », comme on l’énonce dans le monde numérique. Une, parmi d’autres. La double initiale, ici signalée, comme la circulation des pièces et leurs destinataires, leur discrétion au regard, leurs usages et les ouvertures possibles qui s’y promeuvent, leurs matières aux bords de l’immatérialité, leurs équilibres à la pointe de l’effondrement, leur unité voire, pourquoi pas, leur son et bien d’autre choses… Tout cela constitue un ensemble de données constructives. En cela, les productions de MSz déclinent leur identité dans le présent, un temps partagé avec les arts de la musique et de la danse, de tous les arts qui inscrivent leur futur sous le signe d’une approche radicale en matière de technologie et d’autorité, soulignant la désuétude des notions de signatures et de style ; ainsi Jérôme Bel, fin 2009, remarquant que règne encore dans le champ chorégraphique « le paradigme de l’artiste romantique » ajoute-t-il : « Il serait temps que ça change, non ? »[22]. C’est sur cet à-venir, que MSz mise sa puissance d’agir.
1 Donald Judd, « Specific Objects » (1965), in Complete Writings, 1975-86, Van Abbemuseum, Eindhoven 1987, p. 115-124 ; en français : « De quelques objets spécifiques », in Écrits, 1963-1990, trad. Annie Perez, Daniel Lelong éditeur, Paris 1991.
2 Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Éditions de Minuit, Paris 1992.
3 L’expression est du philosophe Louis Althusser.
4 Freddy Laurent, La Revue Nouvelle, mars 1974, cité par Luce Giard, in Michel de Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’Invention du quotidien 2. habiter, cuisiner, Gallimard, Folio essais, Paris 1994, p. 220.
5 Cité par Herbert Molderings, L’Art comme expérience : Les trois Stoppages étalon de Marcel Duchamp, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme (MSH), Paris 2007, p. 78. 6 Gustave Flaubert, Correspondance, lettre à Louise Colet, 23 décembre 1853.
7 Rémy Zaugg, Herzog & de Meuron : une exposition, Les presses du réel, Dijon 1995, p. 67.
8 Ces remarques proviennent de Jacqueline Lichtenstein, « Disegno », Vocabulaire Européen des Philosophies, sous la direction de Barbara Cassin, Seuil/Le Robert, Paris 2004, p. 322-325.
9 Ou en allemand Zeichen et Entwurf, deux mots avec des racines étymologiques différentes.
10 Jean-Claude Lebensztejn, « Les textes du peintre », Critique, n°324, mai 1974, p. 400-433.
11 Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des Langues, chapitre XIII, posthume (1781) ; Jacques Derrida, De la grammatologie, Éditions de Minuit, Paris 1967, p. 290-306.
12 William Blake, 1808, cité par Jean-Claude Lebensztejn, op. cit., p. 412.
13 Donald Judd, « Möbel Furniture », Arche, Zurich 1986 ; en français : « À propos du mobilier », in Écrits, op. cit, p. 182-185.
14 Alex Coles, « Au sujet du meuble en tant qu’art », Parachute, n°117, janvier-mars 2005.
15 Judith Butler, Bodies That Matter, 1993, en français : Ces Corps qui comptent, de la matérialité et des limites discursives du « sexe », Amsterdam, Paris 2009. Ici, traductions d’Elisabeth Lebovici.
16 Mathieu Potte-Bonneville, « Politique des usages », Vacarme, n°29, automne 2004.
17 Martin Szekely dit et écrit : « Tous les meubles sont des boîtes ».
18 Selon Donald Judd : « The thing as a whole, its quality as a whole, is what is interesting » ; la traduction ici est de Georges Didi-Huberman.
19 Meyer Schapiro, « Seurat », trad. Jean-Claude Lebensztejn, in Style, artiste et société, Gallimard, Paris 1982, p. 377.
20 Olivier Zahm et Bernard Joisten, Martin Szekely – Opération Rangement, Purple Books/kreo, Paris 1999, n. p.
21 Roland Barthes, S/Z, Le Seuil, « Points », Paris 1970, p. 113.
22 Jérôme Bel, entretien par Gilles Amalvi, notes du programme Merce Cunningham au Festival d’Automne, Paris 2009.